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Rosy del C - Artiste de cirque et pole-danseuse.


Avec Rosy, on s’est rencontrés suspendus dans les airs. C’était il y a quelques années, à un cours de tissu aérien, dans une école de cirque à Anderlecht où elle donnait cours. Par la suite, le destin nous a fait nous recroiser plusieurs fois à l’ombre d’un feu rouge ou dans les soirées queer de la ville. 


Il y a quelques semaines, on s’est installé au Jezebel studio, un de ses lieux de création pour revenir sur son parcours. Une rencontre joyeuse, débordante de bonne humeur, lors de laquelle on a abordé son chemin de vie de Caracas à Bruxelles, l'importance de se réapproprier l’espace public en tant qu’artiste, la place primordiale de l’Amérique latine dans le milieu du cirque et le pouvoir transformateur de l’art.


A Molenbeek, Rosy m’ouvre les portes d’un lieu magique. Elle me reçoit aux studios Jezebel, le seul studio néerlandophone de pole-dance de Bruxelles, entre perruques et paires de talon-aiguille. Elle y donne cours depuis quelques mois et me confie qu’ici, elle a véritablement la sensation d’avoir rencontré son “crew”, une équipe qui partage son langage, sa vision artistique. Et un espace pour créer: “Ici, j'ai un espace pour créer, tester. J'apprends beaucoup et je m'essaie à des choses nouveles. Etre dans un lieu si queer, cela donne un autre niveau de message, une conscience de lutte à mes performances. Il s'agit, par l'improvisation, de revendiquer des choses sur nos corps”. Mais aussi de trouver sa voix, son personnage en incorporant de nouveaux éléments, très Rosy, à la pratique du pole-dance, des marqueurs provenant de l’univers circassien ou encore du break-dance.  


La tradition du cirque en Amérique latine


Rosy a commencé son parcours artistique dans le milieu théâtral de Caracas. Elle y étudie le théâtre et forme un duo avec un clown de la Compagnie du Cirque du Venezuela. Elle part ensuite quelques mois en Argentine, où elle redécouvre la pratique du cirque sous un autre angle. L’Amérique latine a toujours été un lieu de création très fort pour les artistes circassiens. L’école de cirque de Bruxelles déborde de talents venus de ce continent. Selon Rosy, “il y a une tradition très forte au Chili et en Argentine. Tu y trouves beaucoup d’endroits pour créer, pour expérimenter. Tout le monde s’entraîne constamment, ce qui crée une émulation, un partage d’information entre les artistes”


Une pratique qui sort des hangars, des chapiteaux, des écoles de cirque pour s’approprier l’espace public. Dans les mégalopoles latino-américaines, les feux rouges sont pris d’assaut par les artistes de cirque. Rosy a commencé à le faire à Caracas, avec un jongleur argentin. “En Amérique latine, aller jongler au feu rouge, c’est hyper normal. Culturellement, il n’y a aucun stigmate, les gens n’ont pas d’a priori négatifs sur cette pratique. C’est une manière de générer un revenu supplémentaire tout en pratiquant sa discipline”. Une pratique que l’on commence à voir apparaître sur les grands boulevards de Bruxelles, un mouvement auquel participe Rosy. “On est de plus en plus, mais la grande majorité restent latinos. Nous sommes plus en été, quand les artistes d’Amérique latine viennent en voyage en Europe et souhaitent gagner un peu d’argent pour poursuivre leur route”. Des rendez-vous aux feux rouges qui lui ont valu bien des suprises. “J’ai déjà eu des groupes de fêtard qui me filaient 50 euros, voire même un Iphone! C’est souvent très drôle mais, les spectacles de rue, il faut les faire quand on se sent bien émotionnellement".


Une pratique artistique en contact direct avec les gens 

  

Une pratique de son art qui lui permet  de générer un contact direct avec les gens, véritable fil rouge dans son parcours. “Au Venezuela, je faisais des spectacles dans le métro. A la fin, je connaissais toutes les lignes par coeur!”.  Avec une autre compagnie, elle monte un spectacle de théâtre dans les maisons d’un quartier populaire de Caracas. “On créait tout un circuit, de maison en maison. Toute la communauté était incorporée à l’équipe de production. Cela impliquait parfois de devoir négocier avec les bandes urbaines qui contrôlent ces quartiers. A la fin, ils étaient tellement impliqués qu’ils nous prêtaient leurs motos, leurs Jeeps pour monter notre matériel dans ces quartiers qui se trouvent sur les collines de Caracas”. Une expérience créatrice où l’art détient un vrai pouvoir transformateur. “Ce contact était si enrichissant, on jouait pour des enfants qui n’étaient jamais sortis du quartier”. C’est cette recherche de sens dans sa pratique qu’elle continue à vouloir tisser à Bruxelles, par exemple en s’impliquant dans le défilé de la Zinneke Parade.    


Rosy arrive à Bruxelles en 2015. Un peu par hasard, un peu forcée. Elle habitait au Brésil à l’époque puis passe quelques temps à Bruxelles. Où un accident l’oblige à rester immobilisée. “Je n’avais pas l’intention de rester puis le destin, je ne pouvais littéralement plus bouger. Je n’ai pas eu d’autres choix. Puis un beau jour, j’ai eu accès à la mutuelle pour me soigner et ce fut l’élément qui m’a convaincu de rester!” dit-elle en éclatant de rire. Après neuf ans loin du Venezuela, elle reste attachée à ses racines. “Toute ma famille s’y trouve encore. J'essaie d'y aller mais c’est pas trop evident. Je suis allé à la frontière avec le Brésil il y a quelques années avec un projet de l’ONG “Clowns sans frontières”. L'idée était de m'y rendre en février avec des amis qui ont un projet de cirque social mais à l'heure actuelle, tout est à l'arrêt, tout le monde attend des aides qui n'arrivent pas. C'est une situation exténuante, c’est la croix et la bannière pour pouvoir développer des projets artistiques dans le pays. Il y a un moment où tu jettes l'éponge.”


Ses projets pour le futur 


Cependant, Rosy bouillonne de projets pour l’avenir. Des projets à la croisée de plusieurs pratiques artistiques, où les frontières se brouillent. “Dans la pratique contemporaine, tout se mélange. Je n’aime pas ce qui est propre, les techniques sont faites pour être acquises et ensuite déconstruites”.  Et elle souhaiterait aussi faire sortir la pratique du pole-dance du seul milieu des adultes et d’un contexte érotique. Elle travaille actuellement sur un spectacle de pole-dance, “Flexstory”, pour toute la famille. “Je suis en train de créer un spectacle de rue, from scratch. Avec la pole-dance, on m’a souvent mis dans une case, celle des spectacles pour adultes. Ou alors les gens ne savent pas ce que c’est. Un jour, quelqu’un m’a même demandé comment j’arrivais à faire de la danse dans une piscine (pool dance)!”, dit-elle, morte de rire. 


Un spectacle de rue qui mêlerait toutes ses influences, de la pole-dance avec des accents de break-dance, des masques, des exercices d’équilibre. Et qui serait accessible aux enfants, pour enlever les stéréotypes généralement associés à la discipline. En parlant d’enfance, ses élèves pour la classe débutant commencent à arriver, “des babies de la pole!”. Avant de conclure l’interview, je lui demande quel objet, symbole de son “hogar”, elle a voulu apporter. Rosy sort alors de ses affaires un bilboquet. Le symbole sensoriel d’une enfance au Venezuela, le bruit d’un jouet qui la renvoie dans la cour de l’école et à l’extravagance qui la caractérise encore et toujours: “Avant, j’en avais un, on aurait dit qu’il était fait de glace, en plastique transparent super bling-bling”. Pour nous, malheureusement, c’est la fin de la récréation, Rosy doit accueillir ses élèves. Avec la bonne humeur, la créativité et la bienveillance qui la caractérise.



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